7 Décembre 2015
Selon les scientifiques, d’ici 2050 les pays sont appelés à réduire de 40 à 70% les émissions mondiales de gaz à effet de serre afin de maintenir à moins de 2 degrés Celsius, le réchauffement de la planète à l’horizon de la fin de ce troisième millénaire. Toutefois, entre le souhait des spécialistes du climat et la marge de manœuvre de la classe politique et derrière elle, le lobbying des acteurs économiques, c’est tout un gouffre.
Consensus sur le problème, divergence sur les solutions à entreprendre,
Pollueurs par excellence, les deux grandes nations industrielles du monde les Etats unis et la chine contribuent respectivement à hauteur de 16% et 36% du taux global des émissions des gaz à effet de serre. S’ajoute à cela, les pays de l’union européenne avec près de 10%, suivis par l’Inde, la Russie et le Japon avec 10%., soit presque 70%.
Au moment ou les grandes nations industrielles reconnaissant leur responsabilité dans le dérèglement climatique, il parait à notre humble avis, paradoxal d’emprunter la voie de monnayer le réchauffement climatique.
L’attitude des pays pollueurs de contribuer à alimenter le « fonds vert » pour aider les pays en développement à surmonter les catastrophes liées au réchauffement climatique, n’est qu’une fuite en avant, qui en lieu et place d’agir sur le problème, les pays les plus industrialisés ont choisi d’agir sur sa résultante.
Certes, la Convention des Nations Unies sur le climat a recommandé la mise en place de ce mécanisme financier pour permettre aux pays en développement de s’adapter aux changements climatiques, cependant, cette mesure ne doit en aucun cas sous estimer l’ampleur du danger du changement climatique.
Face au danger éminent du dérèglement climatique, et qui guette en premier lieu les pays à faible capacité économique et technique pour faire face à des catastrophes naturelles, il importe de souligner l’importance d’un accord global au terme de la COP21, et qui invite à des engagements chiffrés, réalisables et applicables à tous les Etats pour maintenir le réchauffement climatique en dessous de 2°c. Dans le cas contraire, c’est un autre échec qui pourrait s’ajouter à celui de la Conférence de Copenhague, tenue il y a 6 ans et qui s'est soldée par un accord à minima juridiquement non contraignant.
Le Maroc, un programme d’envergure en matière d’énergies renouvelables, toutefois, une pratique d’urbanisme grande consommatrice de l’espace, et par voie de conséquence, d’énergie
Pays importateur par excellence de l’énergie, le Maroc a choisi d’investir dans les énergies renouvelables, pour d’une part, réduire le poids de la facture de l’énergie dans la balance commerciale, et d’autre part, sortir d’une dépendance totale des énergies fossiles, et par voie de conséquence, apporter sa contribution à la réduction du réchauffement climatique nonobstant que son économie ne pèse pas lourd dans le dérèglement climatique.
En effet, le plan solaire marocain Noor d’Ouarzazate, dont l’objectif est la production de 2000 MW à l’horizon 2020, le recours à la production de l’électricité à partir de l’énergie éolienne, le programme national de l’installation du voltaïque sont autant de projets d’envergure initiés par le Maroc, et qui s’inscrivent dans la lutte contre le changement climatique et la préservation des ressources naturelles et des milieux de vie. D’autant plus que le couvert végétal ne cesse de connaître des réductions drastiques au niveau de sa superficie.
Aussi, convient-il de souligner qu’à l’heure du réchauffement climatique, la pratique de l’urbanisme est interpellée en termes d’approches et d’outils, pour assurer la durabilité aussi bien aux territoires qu’aux établissements humains.
Les villes présentent une vulnérabilité étant donné la forte concentration de la population, et le moindre changement climatique peut entraîner des dégâts inimaginables. Les inondations qu’a connues le Maroc ces dernières années avec leur lot de perte de vies humaines, les vagues de chaleur et de froid, les petits tsunamis qui ont frappés certaines zones côtières (Essaouira, Safi, Rabat, Harhoura) sont autant de conséquences de ce dérèglement climatique.
Grande consommatrice de l’espace, la pratique de l’urbanisme est corrélativement liée aux principales causes du dérèglement climatique qui sont dans l’ordre d’importance : les énergies fossiles (pétrole, gaz nature et charbon) en tant qu’intrants dans les systèmes productifs, l’industrie, la déforestation en tant conséquence de l’utilisation du bois mais aussi de l’étalement urbain, et le BTP comme secteur grand consommateur d’énergie.
Si, l’urbanisme est considéré comme l’action de transformation et d’artificialisation des espaces naturels pour accueillir des activités humaines et économiques, cette transformation doit être orientée vers des pratiques innovantes qui agissent sur les causes citées ci-haut, et permettent de mieux bâtir la ville de demain.
Les principes de cet urbanisme, contributif aux luttes contre le changement climatique, ne peuvent être ni décrétés ni transposables, mais bel et bien construits autour d’une pratique urbaine dont les lignes directrices résolument axées sur :
Un urbanisme dense, qui concourt vers la mixité urbaine. La pratique urbaine est interpellée pour assurer une vraie mixité sociale dans l’habitat, et une plus grande mixité fonctionnelle, avec la présence d’activités, de commerces, d’équipements et d’espaces publics, qui apportent une valeur ajoutée aux milieux de vie. Un seul exemple, dans le contexte national, les grands pôles universitaires ont été construits en dehors des villes à cause de la prévalence à l’époque d’un urbanisme sécuritaire. Or, de par le monde, les villes les plus attractives font de leurs universités des pôles d’excellence, autour desquels gravite l’animation urbaine.
Un urbanisme inclusif et solidaire, il est entendu que l’urbanisme, tel qu’il se pratique, peut être à la fois inclusif qu’exclusif. Inclusif, s’il arrive à travers l’intelligence collective des concepteurs (urbanistes) et le portage politique des décideurs à être porteur de durabilité aussi bien sur le plan du fonctionnement spatial, social qu’économique. Comme, il peut être exclusif, si sa mise en œuvre laisse à la marge une frange de la population et des territoires, et dont, l’étalement urbaine, l’habitat précaire, le sous-équipement, le déficit en infrastructure, l’enclavement des territoires sont les principaux symptômes de cet urbanisme exclusif.
Un urbanisme au service de l’environnement. De nos jours, la question environnementale de tout territoire revêt un caractère primordial pour sa durabilité, de surcroît quand il est à la merci de défis d’urbanisation non encadrée, de pollution de l’eau, d’inondation et de consommation excessive des ressources naturelles. La pratique de l’urbanisme a la lourde charge de trouver un équilibre entre la nécessité du développement territorial et la préservation de l’environnement.
Mostafa KHEIREDDINE
Urbaniste, Chercheur sciences de la ville